Au bloc opératoire

Voici comment – et pourquoi – mon « Gros Bleu » est redevenu un « p'tit bleu » (en fait bien plus petit que lorsque je l'avais acheté il y a de cela sept ans).

En prenant de l’âge il était monté en tige au point de ressembler à un vieillard « courbé sous le poids des années » : rien que la masse du feuillage, sans parler de la floraison, le faisait pencher d’un côté, ce qui donnait une plante complètement déséquilibrée. Par devant ses feuilles touchaient la table, alors que sa face arrière se dressait en l’air. Même à contre cœur (car il était devenu énorme et fleurissait en abondance) il fallait faire quelque chose.

Hésitation(s) : j’ai fait de nombreuses boutures de lui. Il est à la base de toutes mes expériences, en terre comme en hydroponie. Alors faut-il laisser s'éteindre l’ancêtre de sa belle mort pour le remplacer par sa descendance ? Il a fait son temps – place aux jeunes.

Eh bien non. Il va justement être le sujet d’une ultime expérience. Masque. Coiffe antiseptique. Éclairs d’acier poli. Lumière à droite, ici, un peu plus bas s’il vous plaît …

On commence par le sortir de son pot, on effrite la motte de terre (exactement comme quand on sépare les rejetons de leur feuille-mère), puis on lui enlève ses feuilles, ne conservant au sommet qu’une couronne composée de sept ou huit jeunes feuilles. Sa longue tige mise à nu le fait ressembler à un palmier.

On gratte la tige avec un éplucheur ménager, comme on pèle une carotte : ceci pour enlever tous les résidus des anciennes feuilles arrachées. On la coupe en biais avec un couteau bien tranchant (excusez-moi, je voulais bien sûr dire avec le bistouri) à environ 3cm sous la couronne.

Pendant ce temps les assistantes ont préparé son nouveau pot. Il est rempli d’un substrat plus riche que celui habituellement utilisé pour les saintpaulias : moitié terreau de feuilles pour une moitié du compost habituel (terreau + tourbe ou sphaigne + perlite). Une fois le pot rempli, les assistantes ont creusé au milieu une petite cuvette, large de 5cm. et profonde de 6, qu’elles remplissent de vermiculite. Pourquoi ? Parce que la vermiculite, aérée, poreuse et retenant l’humidité, va aider le malade à s’enraciner. Seulement la vermiculite est une matière inerte, dépourvue de tout élément nutritif. Par conséquent les jeunes racines vont rapidement « flairer » le bon compost nourricier tout proche et se hâter de l’atteindre pour s’offrir un chouette gueuleton.

Retour au mandarin. Conscient d’être le pôle d’attraction, il plante religieusement et cérémonieusement le saintpaulia décapité dans la cuvette de vermiculite. Flashs. Journalistes. Interviews. « Quelles sont les chances de réussite, professeur ? »

Magnanime, il montre d’un geste noble les femmes en blouses vertes : « Je ne serais rien sans mon équipe. »

Il est devenu tout riquiqui!!!!

Quel travail d'équipe!
Il est donc uniquement dans la vermiculite autour de son "trognon"? C'est une expérience que tu fais là ou tu as déjà testé cette technique?

Tu nous montreras la suite!

tu l'a bien rapetissé le pauvre!!

Une "première", oui et non.

Oui, parce que c'est la première fois que j'utilise cette technique de la cuvette de vermiculite au milieu d'un pot de terreau (décrite en détails par Joan Hill et Gwen Goodship dans leur excellent livre : AFRICAN VIOLETS, The Complete Guide.)

Non, parce que j'avais déjà "opéré" de la même manière un saintpaulia que l'on m'avait donné parce qu'il ne fleurissait pas; il était en si mauvais état que j'ai pris le risque. La différence c'est que celui-là a été repiqué en hydroponie, dans des billes d'argile. C'était avant les vacances, je l'ai retrouvé superbe et vigoureux à mon retour, sa jeune couronne ayant plus que doublé de volume. Il est encore trop jeune pour fleurir; mais il est manifestement bien enraciné (je l'ai légèrement soulevé du pot et on voit bien le paquet de billes enserré dans un réseau de fortes racines - nettement plus grosses et plus fortes que des racines de terre); si tout continue à bien se passer il devrait fleurir dans le courant de l'hiver.

Pour mon ex Gros Bleu, on verra ...

Même le ponte du service opératoire refuse de se prononcer.

Tu m'étonnes ! Comment se prononcer devant une opération expérimentale à si haut risque ! En tout cas, il fallait oser ! ! ! ! Bravo pour cette prise de risque !

C'est un peu comme ma commande au Kazakhstan : elle aussi était à haut risque ! ! !

Maintenant tout est une question de doigté. Comme la vermiculite retient bien l'eau (plus que la perlite) il va falloir arroser très peu pour ne pas faire pourrir le trognon ... mais suffisamment tout de même pour que la cuvette reste toujours humide sans quoi les racines ne pousseraient pas.

Je te le dis Alfred : les jardiniers sont très proches des funambules.

J'adore.

zootsuit a écrit:

il va falloir arroser très peu pour ne pas faire pourrir le trognon ... mais suffisamment tout de même pour que la cuvette reste toujours humide sans quoi les racines ne pousseraient pas.

Ca va être simple!!!

J'espère que Professeur Zootsuit est équipé d'un scanner dernière génération afin de vérifier la pousse des racines sans déranger le patient en convalescence!!

Aucun souci de ce côté. La clinique du Professeur Zootsuit à Monaco (succursales à Dubaï, Tokyo, Los Angeles) est équipée du matériel de toute dernière génération. Nous pouvons fournir, sur demande, les références de prestigieux saintpaulias qui ont été en traitement chez nous : saintpaulias couronnés; saintpaulias des arts et des lettres; saintpaulias du showbiz; saintpaulias footballeurs. Une voiture de la clinique (limousine Bentley avec chauffeur) vient accueillir les saintpaulias patients à leur descente d'avion.

j'adore votre humour et les belles explications de cette périlleuse opération je vais suivre la suite avec beaucoup de plaisir merci pour ce beau partage zootsuit

Je suis d'autant plus sensible que le compliment vient de l'Aisne. Attention toutefois que le Professeur Zootsuit ne se prenne pas la grosse tête ...

Merci Andréa (et Angel bien sûr).

j'aimerais savoir si je peu faire la même chose avec un bout de mon bégo rayon vert
merci de votre réponse

Désolé de ne pouvoir vous être utile, Andréa : ma petite expérience en plantes d'appartement se borne aux saintpaulias uniquement; par nécessité, parce que je manque de place. J'aimerais bien expérimenter avec d'autres espèces - les cactées en particulier - mais mon épouse, déjà réticente, se fâcherait tout rouge.

J'ai vu qu'un forum spécialisé est consacré aux amateurs de bégonias. Ils seront plus à même de répondre à votre question.

Je vous souhaite bonne chance et ... bon courage

Une clinique toute confort!!!

Andrea, je pense que ça doit pouvoir fonctionner avec ton bégo du fait que c'est un rhizomateux.

Merci Alfred , a notre retour de vacances je m'en occupe , bonne journée a tous

Bonne journée à toi aussi Andrea et bonnes vacances si celles-ci sont imminentes

Merci Alfred
départ demain matin Dimanche , via Reims , via Paris , via Evreux et en fin de journée via Cabourg pour 5 jours ( la météo nous dis pluie sur les 5 JS ) j'irais a la pèche la pluie n’arrête pas une Bretonne hi hi

Première floraison d'un rejeton repiqué en hydroponie le 20 mai 2015.

Substrat : perlite.

Contenance du bac : 1 litre.

Eau : minérale en bouteille pH 6,5 (bonbonne de 5 litres 98 centimes chez Carrefour).

Fertilisant : TNT Hesi (NPK 3-2-3) dilué à 1/4 de la dose prescrite. Ajout de phosphore liquide Hesi à l'apparition des boutons floraux. Arrêt du phosphore en milieu de floraison et tout au long de la période de repos qui suit.

Soins : une fois par mois renouvellement du liquide, lavage du bac et rinçage du pot : plusieurs abondants rinçages à l'eau tiède sont nécessaire pour dissoudre et éliminer les sels déposés par l'engrais. C’est incroyable ce qui peut s’accumuler en un mois ; le pot, et par conséquent la perlite à l’intérieur, sont couverts de cristaux chimiques. On ne peut pas l’éviter en hydroponie puisque les engrais organiques naturels (guano ; purée de poisson ; sang séché ; purin végétal ; etc.) sont inutilisables dans les bacs où ils formeraient des dépôts et finiraient par étouffer les racines en les privant d’oxygène. Pas de bio en hydro. (M … iaou ! rouspéterait la chatte écolo d’Évaline.)

Waouh!!!
En si peu de temps tu as déjà une floraison!!!


Merci pour toutes ces précisions de culture. Je pensais que l'hydroponie ne se pratiquait qu'en billes d'argile.

Quant au lavage, comment tu débarrasses la perlite de tous les résidus? Tu passes le tout sous l'eau? Tu laisses tremper? Mais dans ce cas, tu vas "noyer" les racines?



Miaou, miaou.... je rouspète pas pas moi, je grogne quand je ne suis pas contente  

Une floraison 4 mois après le repiquage est normale avec les variétés vigoureuses, à croissance rapide (c'est le cas du Gros Bleu, également de BOL'S WHITE LADY). Mais ce n'est malheureusement pas vrai pour tous les saintpaulias. Certains ont une croissance désespérément lente. Il y a même des chimères qui coûtent la peau des fesses et ne fleurissent jamais ! ! !

La culture en hydroponie se fait facilement dans n'importe quel support neutre : billes d'argile; perlite; vermiculite; laine de roche ... Le lavage mensuel (indispensable) ne prend en réalité que quelques minutes parce que les cristaux chimiques fondent instantanément. Je passe le pot trois ou quatre fois sous le robinet, à l'eau tiède, c'est fini, les dépôts de sels ont fondu, l'eau courante a tout rincé, à l'intérieur du pot comme à l'extérieur. Je lave soigneusement le bac, le remplis avec un nouveau bain fertilisant, et on repart pour un mois.

J'ai remarqué un détail curieux, que pour l'instant je ne m'explique pas : en hydroponie, les feuilles chagent de teinte selon le support dans lequel les racines se développent. Elles sont d'un vert plus foncé dans la perlite, qui est pourtant blanche, et d'un vert nettement plus clair en billes d'argile. On pourrait écrire un conte fantastique : Les Saintpaulias hantés. Un mystère à faire grogner ta chattoune, toutes oreilles couchées ...

Bizarre ces variations de couleurs, pourtant les substrats sont inertes....

Tu veux faire grogner ma petite minette!!!

Une précision qui a son importance. Le rejeton repiqué passe son premier mois devant la fenêtre de la cuisine, exposée nord-est. Le soleil (quand il y en a) tourne vite, dès 10h du matin il est déjà parti. La lumière, tout en étant bonne, est donc constamment tamisée. La cuisine est également une pièce où le taux d'humidité reste assez élevé. Un mois plus tard, déménagement ...

Cette fois la plante bien enracinée descend à la cave où elle va grandir en lumière artificielle (rampe fluo à 2 tubes, 6500°K - 16h sous les rampes, 8h en obscurité totale). Elle y restera jusqu'à l'apparition des premiers boutons, trois à quatre mois plus tard. On peut alors considérer que sa période "ado" est terminée et la traiter comme un saintpaulia adulte.

Tu enfermes l'ado à la cave? Tu as peur qu'il fugue

Tu verrais la porte ! ! !  Du chêne épais de quinze centimètres, clouté et bardé de ferraille. Un judas au milieu pour lui jeter sa bouffe (faut l'entendre rugir quand il perçoit mes pas ! ! !). Une clef plus grosse qu'une pince monseigneur et lourde comme un essieu de camion. Je ne prends aucun risque, tu comprends.

La panique pure s'il parvenait à s'échapper.